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Gérard Rabinovitch : « Tout l’édifice civilisationnel européen durement bâti au fil des siècles s’effondre »


LITTÉRATURE À travers un livre bref et dense*, le chercheur et directeur de l’Institut européen Emmanuel Levinas se penche sur la confusion savamment entretenue qu’il peut y avoir entre les termes « résistance » et « terrorisme » et les risques qu’elle entraîne. Terreur. Ils se sont retrouvés réhabilités, blanchis et adoubés, dès lors qu’ils servaient l’idéologie révolutionnaire et ont regagné une légitimité scélérate qui n’a plus été désavouée depuis chez lesdits « révolutionnaires ». Celle-ci accueille les profils mentaux les plus criminels et barbares et contredit de facto l’horizon émancipateur de tous les projets s’affirmant de libération qui s’en inspirent.


« Terrorisme » et « résistance » auraient dû se construire selon une logique d'opposition à l'instar, par exemple, des notions de « barbarie » et de « civilisation ». Comment expliquez-vous que cela ne fut pas le cas ?


Gérard Rabinovitch : Ces deux termes prennent place dans la sémantique politique moderne lors de la Révolution française. « Résistance » se sédimente dans l’expression « droit de résistance à l’oppression » de la Déclaration universelle des droits de l’homme dès 1789. « Terrorisme » se décline de « Terreur », qui désigna l’ensemble des mesures d’exception et de liquidation des opposants de l’ère robespierrienne de la Révolution, incluant les massacres des populations civiles vendéennes révoltées, avec mention explicite d’« exterminer » les insurgés.


La notion de « résistance », en valeur absolue, appartient à la logique anti-tyrannique de l’humanisme de la première époque révolutionnaire. Sa scène fondatrice : l’épopée biblique de la sortie de la servitude en Égypte. Aujourd’hui, son modèle pratique : les « codes » éthiques de combat acquis durant la Seconde Guerre mondiale.


Les attributs du «terrorisme» sont ceux de la tyrannie et des épouvantes meurtrières de la Terreur. Ils se sont retrouvés réhabilités, blanchis et adoubés, dès lors qu’ils servaient l’idéologie révolutionnaire et ont regagné une légitimité scélérate qui n’a plus été désavouée depuis chez lesdits «révolutionnaires». Celle-ci accueille les profils mentaux les plus criminels et barbares et contredit de facto l’horizon émancipateur de tous les projets s’affirmant de libération qui s’en inspirent.


Qu'est-ce que la confusion lexicale terrorisme/résistance nous apprend de l'état de nos démocraties ?


G.R.: Que tout l’édifice civilisationnel européen durement bâti au fil des siècles s’effondre. Ses valeurs piliers : Vérité, Raison, Liberté, Justice, et même Héroïsme, ne font plus repères pour comprendre ce qui les oppose fondamentalement. Ce qui arrange bien tous ses ennemis contemporains, qui rejettent ces valeurs sous le nom générique d’Occidentalité.


Parler de « résistance » et non de « terrorisme » pour qualifier les horreurs commises le 7 octobre est devenu, hélas, trop fréquent. Comment revenir à une vérité sémantique, y compris dans nos échanges, avec nos interlocuteurs ?


G.R.: Il s’agit là, d’une imbécillité morale, mêlée d’une manipulation cognitive. La vérité de ce qui les distingue est pourtant simple: la barre éthique est une barre cognitive. La résistance ne se permet pas tout. Point. La légitimité des moyens y est corrélée à l’équité des fins. Relire Raymond Aubrac par exemple là-dessus. Cette confusion est une manière de saper le sens et l’esprit de résistance. C’est disqualifier son éthique pratique par l’assimilation inclusive de pratiques terroristes. Et, bien sûr, c’est souiller la mémoire des authentiques résistants qui ont fait l’honneur des hommes dans des époques sans honneur.


Propos recueillis par Laetitia Enriquez / Actualité Juive


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