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Le Hamas, Israël et les otages : dans l’enfer de la pensée islamiste, par Abnousse Shalmani



Chronique. En Israël, on pleure chaque mort des mains du Hamas. Un mode de vie étranger au logiciel sunnite, pour lequel la vie sur terre n’est qu’un chemin de larmes avant le paradis.


Six otages israéliens exécutés "à bout portant" par le Hamas ont été découverts par l’armée israélienne dans un tunnel du côté de Rafah. Dans le même tunnel, à 20 mètres de profondeur, où avait été trouvé, vivant, l’otage bédouin israélien Kaid Farhan Alkadi. Tsahal, qui tentait de vérifier si d’autres otages n’étaient pas détenus à proximité, est tombé par hasard sur les corps des six otages. Alexander Lobanov (32 ans), Carmel Gat (40 ans), Almog Sarusi (27 ans), Eden Yerushalmi (24 ans), Ori Danino (25 ans) et Hersh Goldberg-Polin (23 ans). Ils visitaient leurs parents du kibboutz Be’eri, y vivaient, travaillaient ou dansaient au festival Nova. Ils étaient détenus en otage depuis 329 jours. D’après le ministère de la Santé israélienne, ils portaient les stigmates de tortures.


Si je précise les noms, les âges et les conditions de l’enlèvement de ces six jeunes israéliens, ce n’est ni par réflexe morbide ni dans une tentative de tirer tes larmes, cher lecteur. Non, je précise, je détaille, pour les maintenir en vie. Pour marquer la différence fondamentale entre la doxa islamiste et les valeurs humanistes, celles qui président, qui devraient présider en Occident démocratique et libéral. Je précise parce qu’à travers leurs noms se dévoile un monde où la vie compte, où chaque vie humaine est une singularité, où chaque perte se pleure, où chaque mort est honoré pour ce qu’il était, pour ce qu’il a accompli, dans la reconnaissance de son individualité.


Et j’ose espérer, que plus tard, quand il aura l’âge de comprendre, l’enfant de cinq mois d’Alexander Lobanov, né alors qu’il était otage, apprendra, par la bouche de ceux qui l’aimaient, qui était son père, quel individu il était, quel père il aurait dû être. Et je crois qu’on ne lui parlera pas de son père comme d’un sacrifié pour la cause, une cause plus grande que l’Homme, une cause qui écrase l’Homme, comme d’un pion parmi tant d’autres, d’un symbole qu’il lui faudra, adulte, venger. On ne lui dira pas qu’il lui faut devenir un martyr, une arme anonyme pour une cause.


Sourire glaçant

Je ne sais pas si c’était pour la posture, je ne sais pas si c’était un numéro répété pour la galerie, mais l’image glaçante d’Ismaël Haniyeh, chef politique du Hamas avant son assassinat à Téhéran, apprenant la mort de trois de ses fils, m’est instantanément revenue un mémoire en négatif. Son sourire satisfait et sa joie contenue mais évidente qui imaginait ses fils au paradis, loin, si loin de la terre des hommes. Car cette terre ne vaut rien. Cette terre n’attend aucun retour d’aucun messie. Le sunnisme est une religion non messianique, il n’y a rien à attendre sur terre, aucun espoir. Les chiites, qui ont un clergé et une galerie de douze saints, attendent, eux, le retour du douzième iman, l’imam caché, le mahdi. Il y a encore quelque chose à venir sur terre - c’est déjà ça. Mais dans la religion sunnite, rien du tout. La terre est vouée à être péché, un chemin de larmes, un enfer où la vie vaut moins que la mort. Car la mort vous envoie illico – et d’autant plus si vous êtes un martyr - vers le royaume de Dieu, où tout ce qui était interdit sur terre, la joie, la fornication, le vin, est autorisé au ciel. Les rivières de vin et les vierges. Des vierges éternelles, dont l’hymen se reconstitue après chaque rapport sexuel – ce qui, cela dit en passant, ressemble davantage à un éternel enfer. Il est alors évident pour Ismaël Haniyeh d’être heureux de la mort de ses fils, car ils échappent au chemin de croix sur terre pour atteindre la vraie vie, celle du ciel.


Pulsion de vie, pulsion de mort. C’est le sens de la guerre qu’Israël mène contre le Hamas, et c’est le plus grand des pièges du Hamas - qui pourrait arrêter cette guerre en restituant les otages, qui pourrait déposer les armes, mais qui préfère sacrifier sa population et placer Israël dans une position intenable en comptant sur l’intransigeance criminelle de Benjamin Netanyahou pour poursuivre une guerre existentielle, certes, mais qui met dans la balance la sécurité des Israéliens et la vie des otages. C’est une erreur tragique qui entache l’éthique humaniste. Les otages doivent revenir vivants. Voilà qui est existentiel, c’est la seule pulsion de vie qui a valeur de victoire sur la pulsion de mort islamiste.

Abnousse Shalmani, engagée contre l’obsession identitaire, est écrivain et journaliste

 

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