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Manuel Valls au JDD : «Je crois profondément en l’avenir des Juifs en France»


ANTISÉMITISME. Quatre-vingts auteurs, parmi lesquels Michel Houellebecq, Gérard Larcher, Sylvain Tesson, Éric Ciotti et Manuel Valls, ont signé un livre collectif pour dénoncer l’oubli du 7 octobre. L'ancien Premier ministre a répondu aux questions du JDD sur l'impact du massacre commis par le Hamas sur la France.


Le JDD. Pour quelles raisons les massacres du 7 octobre ont-ils progressivement disparu de la mémoire collective ?

Manuel Valls. Je me suis rendu en Israël, sur les lieux de ce crime atroce, quelques jours après le 7 octobre. J’accompagnais une délégation de parlementaires français. Cette délégation a été la première au monde à se rendre en Israël pour témoigner de ce qu’il s’était passé, avec la crainte que ce crime contre l’humanité ne soit rapidement effacé ou que la responsabilité en soit imputée à Israël.

Très vite, on s’est rendu compte, par une manipulation effrayante, que la victime devenait le bourreau. Le Hamas, qui a toujours exprimé une haine virulente envers les Juifs, les chrétiens, la démocratie, et qui exerce une violente domination sur les femmes et persécute les homosexuels, a été perçu par certains comme une organisation de « résistants » représentant la lutte du peuple palestinien. Nous ne pouvions pas anticiper la vague d’antisémitisme et de haine des Juifs et d’Israël qui s’est abattue sur l’Occident.


À qui attribuez-vous la responsabilité de cet oubli ?

Elle est d’abord liée à la puissance de l’islamisme dans notre société. La cause du peuple palestinien ne l’intéresse pas, puisque la matrice de l’islamisme, c’est l’antisémitisme. Une autre responsabilité incombe à une partie de la gauche politique, qui depuis longtemps a intégré la lutte contre Israël et la haine des Juifs dans sa stratégie de conquête électorale. La troisième responsabilité se trouve dans le monde universitaire, intellectuel et médiatique, influencé par des courants tels que le wokisme et la cancel culture, qui font de l’homme blanc l’élément de domination du monde colonisateur, responsable de « l’apartheid ». 

« La France aurait dû soutenir Israël de manière plus résolue parce que nos deux pays sont en première ligne face à l’islamisme »

Cet homme blanc est à leurs yeux incarné par le Juif. La jeunesse est ainsi exposée à une perspective manichéenne : l’homme blanc est un oppresseur et les minorités, dont les Palestiniens, sont les opprimées. Je rajoute enfin la lâcheté des diplomaties. La France aurait dû soutenir Israël de manière plus résolue parce que nos deux pays sont en première ligne face à l’islamisme. Elle n’a pas su trouver les bons mots.


Diriez-vous que l’oubli des victimes est lié à leur identité juive ?

C’est très juste. Je pense par exemple au silence assourdissant d’une partie du mouvement féministe face à ce qui a été un féminicide à grande échelle. On constate également des complicités au sein des Nations unies et le rôle ambigu de l’UNRWA. Une image du Palestinien a été construite où, en tant que victime de l’Occident, de la « colonisation », de « l’apartheid » et du « génocide », on peut tout accepter. On tente d’effacer ce crime du 7 octobre parce qu’il dérange. Malgré tout, je crois profondément en l’avenir des Juifs en France. L’âme juive est profondément ancrée dans notre société. L’oublier, c’est risquer de nous perdre nous-mêmes.


Quelles sont vos impressions après le scrutin historique des élections législatives ?

Pour la première fois, j’ai le sentiment que notre destin nous échappe, que nous perdons le contrôle. L’incertitude est totale quant à l’avenir alors même que nous avons déjà de nombreux défis à relever, et de nombreuses fractures et divisions à combler. J’éprouve un sentiment de très grande gravité.

« Il ne peut y avoir aucune complaisance envers La France insoumise »

Comment percevez-vous l’état actuel de la gauche politique et ses choix d’alliance avec LFI ?

Il ne peut y avoir aucune complaisance envers La France insoumise. On ne lutte pas contre l’extrême droite en s’alliant avec ceux qui ont propagé la haine des Juifs et d’Israël. Je continue de croire que cela rend irréconciliables ceux qui ont une certaine idée de la France et de la République, avec ceux qui ont utilisé cette haine à des fins électoralistes, cherchant à placer le Juif au cœur d’une campagne européenne comme un élément de leur manifeste politique. C’est une faute impardonnable. 


« Se désister pour des élus de gauche face au Rassemblement national ne signifie pas gouverner demain avec LFI », a déclaré le président de la République. Devant la situation actuelle, comment auriez-vous agi à sa place ? 

Si demain, le Rassemblement national obtient la majorité absolue à l’Assemblée nationale, il faudra respecter le choix des Français. Le président de la République devra, sous contrôle du peuple, veiller à ce que la parole et les engagements de la France soient respectés, ainsi que la séparation des pouvoirs.


L’Assemblée nationale devra, avec le soutien du Sénat, en l’absence de majorité absolue, trouver des solutions pour respecter les engagements européens de la France, soutenir l’Ukraine, aborder les grandes questions de sécurité, d’immigration, de qualité des services publics, de l’éducation et de la santé, et de réduction des déficits. Le pays ne peut pas se permettre d'être paralysé. Ceux qui ont exercé le pouvoir doivent contribuer à ce sursaut.


7 octobre, manifeste contre l'effacement d'un crime, David Reinharc aux Éditions Descartes & cie, 250 pages, 20 euros.

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